ED Sciences Physiques et de l'Ingénieur
Chroniques sédimentaires. Fabrique d'une filière élargie pour la construction en terres alluviales dans le bassin d'Arcachon et ses bassins-versants
par Quentin PROST (I2M - Institut de Mécanique et d'Ingénierie de Bordeaux)
Cette soutenance a lieu à 14h00 - Salle 04 École Nationale Supérieure d'Architecture et de Paysage de Bordeaux (ENSAP Bordeaux) 740 cours de la Libération 33400 Talence
devant le jury composé de
- Géraldine CASAUX-GINESTET - Professeure - ENSAP Bordeaux - Directeur de these
- Erwan HAMARD - Chargé de recherche - Université Gustave Eiffel - Rapporteur
- Nathalie TORNAY - Maîtresse de conférences - ENSA Toulouse - Rapporteur
- Denis BRUNEAU - Professeur - ENSAP Bordeaux - Examinateur
- Matthieu DUPERREX - Maître de conférences - ENSA Marseille - Examinateur
- François FLEURY - Professeur - ENSA Normandie - Examinateur
- Xavier GUILLOT - Professeur - ENSA Marseille - Examinateur
- Cyrille MARLIN - Maître de conférences - ENSAP Bordeaux - Examinateur
Peut-on construire en terre crue avec les sédiments de dragage du bassin d'Arcachon, autrement nommés dans cette recherche «terres alluviales»? Quelle serait la nature d'une filière de construction en terre crue émergeant à partir de ces sédiments si elle intégrait la vivacité et la complexité des milieux de la lagune et de ses bassins-versants? Telles sont les deux questions essentielles posées dans cette thèse. Dans le bassin d'Arcachon, l'accumulation des sédiments dans les ports et les chenaux empêche avec le temps la navigation, aussi bien pour les plaisancier·es que pour les professionnel·les de la mer. Pour remédier à ce phénomène, des opérations de dragage sont organisées. Les matériaux dragués sont déposés à terre dans des bassins de stockage et sont ensuite utilisés dans diverses «filières de valorisation» (support de culture, techniques routières, etc). Cette dynamique place le sujet de la «filière de valorisation des sédiments de dragage dans la construction en terre crue», autrement nommée ici filière sédiment-terre, comme un enjeu considéré par les collectivités locales et par les acteur·ices d'une filière terre crue émergente en Gironde. Pour étudier les sédiments en tant que potentielles terres à bâtir et interroger ce que les milieux de la lagune et ses bassins-versants peuvent faire à la notion de filière de construction, une enquête se déplie pour comprendre les mouvements sédimentaires et faire connaissance avec la diversité de relations humaines et autres qu'humaines en jeu, autour et avec les sédiments, retranscrites à travers des chroniques sédimentaires. Cette recherche en situation d'expérimentation architecturale étudie quelques mises en ressources historiques et contemporaines d'environnements locaux identifiés, leurs fabriques et habitats, pour imaginer des assemblages et des complémentarités écologiques possibles avec la transformation des sédiments en matériaux terre. En complément, l'enquête se penche sur quelques observations de formes de collaborations et d'hybridations de savoirs et de métiers dans une filière de la construction en terre crue en train de se faire en Gironde, en France et alentour, et à partir desquelles imaginer des correspondances avec une filière sédiment-terre. Aussi, en parallèle de la caractérisation physico-chimique des sédiments, des expérimentations sont engagées à travers notamment la fabrication de briques de terre crue moulées et extrudées. Ces expérimentations questionnent deux héritages, ostréicole et briquetier: d'abord, par la construction d'un Pavillon des expérimentations avec des étudiant·es de l'ENSAP Bordeaux dans le cadre d'un chantier-école interrogeant les cultures constructives ostréicoles à partir d'une «architecture de cueillette» à base de sédiments et de coquilles d'huîtres, puis par le développement avec une briqueterie locale de matériaux dont le comportement mécanique et la durabilité sont caractérisés. Ceci amène à esquisser l'hypothèse de pratiques ostréobriquetières c'est-à-dire mettant en regard deux mondes du travail avec la matière et le vivant, avec le minéral et l'animal, comme un appui pour cartographier l'assemblage d'un ensemble d'agents «travailleurs» humains et non-humains impliqués dans une potentielle filière sédiment-terre élargie (zostères, huîtres, ostréiculteur·ices, rivières, sédiments, briquetiers, etc.), c'est-à-dire basée sur un élargissement des membres d'une filière attentive aux relations interspécifiques qui se tissent autour et avec les sédiments. Pour dépasser l'approche anthropocentrée de la filière et de quelques uns de ses attributs (ressource, travail, valeur) et laisser émerger, en ces temps troublés, des situations de production qui favorisent les conditions de reproduction écosociale de la vie, il est proposé de «faire milieu» pour «faire filière » avec une recherche dont les résultats laissent entrevoir la possibilité de construire avec les terres alluviales du bassin d'Arcachon.