ED Sciences et environnements
Anticiper, comprendre et analyser les pathologies complexes et émergentes des chênes
par Lisa EICHENLAUB (BIOGECO - BIOdiversité, Gènes & Communautés)
Cette soutenance a lieu à 9h00 - AIRIAL - Salle des Chênaies, INRAE - UMR BIOGECO 1202, Domaine de l'Hermitage, 69 Route d'Arcachon, CS 80227, 33612 Cestas CEDEX
devant le jury composé de
- Cécile ROBIN - Directrice de recherche - INRAE - UMR BIOGECO 1202 - Directeur de these
- Marie-Agnès JACQUES - Directrice de recherche - IRHS - INRAE - Rapporteur
- Renaud IOOS - Directeur de recherche - Laboratoire de la santé des végétaux (USC INRAE LSV-mycologie, site de Nancy) - Rapporteur
- Benoit MARCAIS - Directeur de recherche - INRAE - UMR IAM - Examinateur
- Beat RUFFNER - Chargée de recherche - Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WS - Examinateur
Les chênes européens (Quercus robur, chêne pédonculé et Q. petraea, chênes sessile) sont deux essences forestières emblématiques d'un point de vue écologique, économique et culturel. Ces espèces longévives jouent des rôles majeurs dans de nombreux écosystèmes et représentent respectivement 11 et 12% du volume de bois de feuillus sur pied en France. Cependant, elles sont soumises à des perturbations biotiques et abiotiques, dont la fréquence augmente dans le contexte des changements globaux. Ainsi les dépérissements, syndromes multifactoriels, et les maladies causées par des agents pathogènes exotiques ou natifs, ont fortement impacté les chênaies depuis le début du XXème siècle. La nature de ces dépérissements ainsi que les interactions entre facteurs biotiques et abiotiques les générant sont encore mal connues. Les deux premiers chapitres de cette thèse proposent de définir une partie de leur étiologie par une étude des pathobiomes corticaux et racinaires. Le troisième chapitre se concentre sur l'importance de la surveillance du territoire comme levier de prévention à l'introduction d'agents exotiques et plus particulièrement à la menace que représentent les organismes de quarantaine. Un dépérissement rapide des chênes (AOD - Acute Oak Decline) touche actuellement les chênaies du Royaume-Uni. Médié par des facteurs abiotiques (température et précipitations), l'AOD serait déclenché par des insectes (Agrilus biguttatus principalement) et un complexe d'espèces bactériennes. Cette maladie illustre parfaitement le paradigme du pathobiome car les interactions complexes hôte-pathobiome-insecte seraient essentielles à son développement. Afin de préciser la prévalence en France des symptômes associés à l'AOD et le rôle joué par les bactéries sur les dépérissements observés, une étude sur l'étiologie des nécroses corticales associées, ou non, à des attaques d'agriles sur des chênes dépérissant a été réalisée. Le premier signalement en France de la présence des bactéries Brenneria goodwinii, Gibbsiella quercinecans et Rahnella victoriana dans ces nécroses a ainsi pu être réalisé sur Q. robur et Q. petraea. Cependant, ces bactéries ont été isolées moins fréquemment dans les lésions collectées que les champignons Fusarium quercinum, F. falsibabinda, Neonectria sp., et N. punicea. Des inoculations de jeunes plants de chênes ont par ailluers confirmé leur pouvoir pathogène. Ceci confirme l'importance du pathobiome dans les symptômes associés à l'AOD et suggère un rôle non négligeable d'agents pathogènes fongiques, jusqu'alors sous-estimé. Les relations entre microbiote du sol et dépérissement chronique des chênes ont été analysées en forêt de Chantilly (Oise, France). Via une approche de comparaison par couple de chênes dépérissant et non dépérissant, une analyse de la diversité microbienne des champignons et oomycètes par metabarcoding a été effectuée. L'étude a révélé que les compositions dépendaient principalement des types de sol et de l'état sanitaire de l'arbre selon le compartiment échantillonné (sol, rhizosphère ou racines). Un outil d'aide au diagnostic et à l'identification des problèmes phytosanitaires nommé NESTOR (SurveillaNce des chÊnes et diagnoSTic phytOsanitaiRe) a été développé. Recensant les principaux bioagresseurs et problèmes abiotiques rencontrés sur des chênes, il est destiné au grand public et aux professionnels afin d'encourager la surveillance passive et de soutenir la surveillance active du territoire. Cette dernière étant réalisée en France par le Département de la Santé des Forêts. En 2022-2023, une intensification de la surveillance de la maladie du flétrissement du chêne, causée par l'organisme de quarantaine Bretziella fagacearum, a été menée via la collecte d'échantillons d'arbres symptomatiques. Les isolements et diagnostiques réalisés au cours de cette thèse ont confirmé que le champignon reste absent du territoire, mais qu'il est important de rester vigilant quant à sa possible introduction en France.