ED Sciences de la Vie et de la Santé
Effets d'un régime obésogène à l'adolescence sur les fonctions mnésiques et sociales dépendantes de la zone CA2 de l'hippocampe
par Alice FERMIGIER (Nutrition et Neurobiologie Intégrée)
Cette soutenance a lieu à 14h00 - Bâtiment Biologie Santé (BBS) - Amphithéâtre 2, rue du Dr Hoffmann Martinot
devant le jury composé de
- Guillaume FERREIRA - Directeur de recherche - Université de Bordeaux - Directeur de these
- Nadine RAVEL - Directrice de recherche - Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon - Rapporteur
- Laure VERRET - Directrice de recherche - Université Toulouse III - Paul Sabatier - Rapporteur
- Lisa ROUX - Directrice de recherche - INCIA - Examinateur
- Giovanni MARSICANO - Directeur de recherche - Institut Magendie - Examinateur
- Rebecca PISKOROWSKI - Directeur de recherche - Institut de Psychiatrie et de Neurosciences de Paris - Examinateur
L'obésité juvénile est un problème de santé publique préoccupant associé à des comorbidités cardio-métaboliques, mais également à des déficiences cognitives dont l'ampleur reste mal connue. En raison de l'augmentation de consommation d'aliments obésogène la prévalence mondiale du surpoids et de l'obésité chez les enfants et les adolescents âgés de 5 à 19 ans a considérablement augmenté, passant de 8 % en 1990 à 20 % en 2022, d'où l'importance de connaître les conséquences cognitives de telles conditions. Cela peut être reproduit en laboratoire à l'aide de modèles animaux, comme des rongeurs nourris avec un aliment riche en lipides saturés et en sucre (HFHS) pendant l'adolescence qui présentent des déficits dans différentes fonctions de mémoire telles que la mémoire spatiale, contextuelle, d'objet et sociale. Notre équipe a récemment montré que les déficits de mémoire spatiale, contextuelle et de reconnaissance d'objet induits par l'alimentation HFHS sont associés à une hyperactivité hippocampique et peuvent être restaurés par une diminution chémogénétique de l'activité des neurones pyramidaux de l'hippocampe. Dans ce travail de thèse, nous avons tenté de déchiffrer si des aires spécifiques de l'hippocampe pourraient être responsables des altérations de la mémoire sociale en particulier. Nous nous sommes concentrés sur la zone CA2 de l'hippocampe dorsal, connue pour son rôle crucial dans la mémoire sociale. Des approches électrophysiologique ex vivo réalisées par nos collaborateurs à Paris (équipe Chevaleyre-Piskorowski) au niveau de la zone CA2 de l'hippocampe ont mis en évidence une hyperexcitabilité des cellules pyramidales associée à un moindre modulation ocytocinergique chez les souris nourries avec un aliment HFHS. En parallèle nous avons montré que l'inactivation chémogénétique restreinte aux neurones pyramidaux du CA2 ainsi que l'injection locale d'ocytocine dans la zone CA2 annulent les déficits de mémoire sociale des souris nourries avec un aliment HFHS. Par ailleurs le stress influence les interactions sociales. Aussi, dans une seconde étude, nous avons évalué l'impact de l'alimentation HFHS sur cette modulation des orientations sociales par le stress ainsi que le rôle joué par l'aire CA2. Un stress aigu (choc électrique ou contention) détourne l'investigation de cibles sociales nouvelles au profit de cibles familières (diminution de la préférence pour un congénère nouveau associée à augmentation de la préférence pour les odeurs sociales familières) chez les souris mâles et femelles nourris avec un aliment standard mais pas chez les mâles et les femelles HFHS. Ces différences ne sont pas dues à des problèmes de perception sensorielle puisque les animaux nourris avec un aliment HFHS détectent et discriminent parfaitement les odeurs sociales, avant et après stress, et que le stress augmente les comportements de types anxieux et diminue la locomotion de façon similaire chez les souris recevant une alimentation standard et HFHS. Par ailleurs, alors que l'activité calcique des neurones pyramidaux du CA2 est légèrement augmenté lors du stress chez les souris recevant les deux types d'aliment, on remarque une activité calcique plus forte en réponse aux odeurs sociales chez les souris HFHS. Enfin, l'inactivation chémogénétique des neurones pyramidaux du CA2 ou l'injection locale d'ocytocine dans la zone CA2 rétablissent, après le stress, les préférences pour les congénères ainsi que pour les odeurs sociales chez les souris nourries avec un aliment HFHS. Nos résultats indiquent que l'alimentation HFHS perturbe la mémoire sociale et la modulation par le stress des préférences sociales par une altération de l'activité et du système ocytocinergique de l'aire CA2 de l'hippocampe.